Teaser de l’opéra Ariane à Naxos de Richard Strauss. Du 15 au 19 nov. au Théâtre des Arts.
Loïc Lachenal présente Ariane à Naxos de Strauss, une joyeuse comédie librement inspirée du Bourgeois gentilhomme de Molière.
Trois questions à Jean-Philippe Clarac & Olivier Deloeuil > Le Lab, metteurs en scène d’Ariane à Naxos
Quelles sont les raisons de l’utilisation de la vidéo dans votre mise en scène d’Ariane à Naxos ?
Jean-Philippe Clarac : L’opéra de Strauss se prête parfaitement à l’utilisation de la vidéo qui permet à la fois de révéler ce que l’on appelle le « hors-champ » — ici les coulisses du théâtre — mais aussi d’explorer les coulisses mentales des personnages. La vidéo apporte une dimension narrative supplémentaire en dévoilant ce que les Américains appellent le « stage persona », c’est-à-dire le personnage que le chanteur ou la chanteuse adopte lors des répétitions. Dans Ariane, par exemple, on découvre un Ténor extrêmement célèbre, arrogant en public, mais en réalité très timide et manquant de confiance en lui, ainsi qu’une diva très sollicitée mais qui, en réalité, se sent seule.
Olivier Deloeuil : La personnalité d’un chanteur, ou de tout artiste qui se produit sur scène, est en réalité triple : il y a la personne intime, le personnage social et celui qu’il doit incarner sur scène. Le personnage social se nourrit de l’intimité de l’artiste, mais le personnage scénique influence également sa vie personnelle.
Le débat présent dans Ariane à Naxos entre l’opera seria et la commedia dell’arte, autrement dit entre l’opéra sérieux et la comédie vous paraît-il actuel ?
J.-P. C. : Absolument. C’est une vraie question. Ce qui est comique mais aussi un peu triste c’est que, dans l’opéra, le mécène, commanditaire de l’opéra Ariane, n’a pas confiance en son public. Aujourd’hui, le spectateur, dans la salle, devrait se demander ce que doit ou pourrait être une représentation d’opéra — une question que Strauss et Hofmannsthal eux-mêmes se sont posés et qui constitue le cœur même de l’œuvre.
O.D. : L’opéra a pu se développer et évoluer dans ses esthétiques parce qu’on a, d’une certaine manière, poussé le public à accepter des œuvres nouvelles et parfois déroutantes. Pelléas et Mélisande, par exemple, a d’abord choqué et déconcerté avant de devenir un classique. Il en va de même pour Carmen, qui a reçu des critiques négatives à sa création, mais s’est finalement imposée comme une œuvre majeure. C’est toujours une question d’offre et de demande. Comme tous les arts, l’opéra est avant tout un art de l’offre.
« La scène agit comme un miroir, à la fois pour soi et envers soi, pouvant être à la fois bénéfique et parfois très éprouvant pour la personnalité. »
La figure du mécène semble interroger la relation entre l’art lyrique et ses modes de financement. Comment percevez-vous cette interaction entre création artistique et soutien financier ?
J.-P. C. : Si nous avons choisi d’inclure la première scène du Bourgeois gentilhomme au début de l’opéra, c’est justement pour explorer cette dimension de la pièce. Construire une trajectoire artistique ne peut se faire en toute innocence ; des compromis avec la réalité sont inévitables.
O.D. : Nous sommes conscients que la relation entre le mécène, qu’il soit public ou privé, et les artistes est indispensable à l’art lyrique en France, une tradition qui remonte à Lully et Louis XIV. Cependant, cet équilibre est fragile. Nous avons l’impression d’appartenir à la dernière génération capable de faire de l’opéra, en raison des difficultés croissantes à financer cet art et à attirer un public. Nous, metteurs en scène, cherchons à interroger la musique et les livrets, car la force du répertoire, comme celle des mythes grecs, réside dans sa capacité à être réinterprété à travers les prismes de chaque époque, y compris la nôtre.
Propos recueillis par Solène Souriau •
C’est le rendez-vous de la rentrée partout en Normandie !
L’opéra Aïda retransmis en direct du Théâtre des Arts gratuitement dans une trentaine de lieux de diffusion.
🗓️ Samedi 5 octobre, 18h !
✅ Sur écran géant place de la Cathédrale à Rouen et dans le hall de la gare,
✅ Sur écran, partout en Normandie et au-delà,
✅ Chez vous, sur Facebook, Youtube et France.Tv
Nous tenons à remercier tout particulièrement le Crédit Agricole Normandie-Seine, grand mécène de l’Opéra en direct, pour son soutien immense à cet événement. 🤝
Loïc Lachenal présente Tristan et Isolde, l’opéra de l’amour absolu, dans une mise en scène faisant voyager le spectateur au cœur des émotions les plus fortes de notre humanité.
Six questions à Pierre Bleuse, directeur musical d’Aïda
Quelle a été votre rencontre avec l’œuvre ?
Diriger Aïda n’a jamais été une évidence. Ma rencontre avec l’œuvre s’est faite en plusieurs étapes. J’ai découvert progressivement les subtilités et le raffinement de la partition qui se cachent derrière une première impression de grandeur. En creusant, j’ai découvert chez Verdi une grande sensibilité.
Aïda est un opéra souvent jugé monumental. Comment dépasser la caricature de l’opéra à grand spectacle ?
On a souvent tendance à décrire Aïda comme un opéra triomphal. Cette description est pour moi trop réductrice. La finesse et sensibilité de la partition se font entendre dès le début avec le prélude. Alors qu’il est traditionnellement convenu de faire apparaître l’ensemble des thèmes musicaux dans l’ouverture d’un opéra, Verdi opte ici pour une intériorité rare en ne présentant que deux thèmes : celui d’Aïda et celui des prêtres.
L’opposition de l’intime et de la sphère publique est donc au cœur de la partition. Comment concilier les deux ?
Les deux thèmes sont intrinsèquement liés. Nous avons besoin du débat politique et des rapports belliqueux entre les deux peuples pour faire exister en profondeur le thème de l’amour. Les grandes scènes chorales d’Aïda permettent à Verdi de faire naître des scènes plus intimistes et d’explorer un thème qui lui est cher : la pureté de l’amour.
L’esthétique orientaliste d’Aïda peut-elle faire débat aujourd’hui ?
Aujourd’hui, la forme même de l’opéra peut faire débat : pourquoi privilégier une forme du passé à la création ? On se retrouve à traiter des sujets qui peuvent paraître en décalage avec nos sociétés mais, au contraire, c’est toujours intéressant de faire se confronter notre patrimoine culturel et la création. Je ne peux les dissocier de ma vie de musicien.
Votre connaissance du répertoire contemporain vous permet-elle d’appréhender autrement la musique de Verdi et particulièrement d’Aïda ?
Ma connaissance du répertoire contemporain me permet d’appréhender chaque partition avec un regard toujours frais. J’essaye de construire une relation avec chaque compositeur, même s’il n’est pas présent, afin de dégager avec le plus d’honnêteté possible ce qui me paraît important dans la partition.
« En réalité, toute la beauté de l’opéra réside dans son intimité. »
Comment décririez-vous le personnage d’Aïda ?
Aïda se définit tout d’abord par un immense courage et une grande intégrité qui sont sa force. Cette femme, isolée et déracinée, doit combattre ses propres démons et choisir entre l’amour de sa famille, de sa patrie et cet amour qui grandit pour Radamès. L’image que j’ai du personnage n’appartient pas forcément au passé mais est bien ancrée dans le monde d’aujourd’hui.
Propos recueillis par Solène Souriau
Six questions à Ben Glassberg, directeur musical de l’opéra Don Giovanni donné en version de concert.
Vous retrouvez, ici, votre répertoire fétiche. Que représente Don Giovanni de Mozart pour vous ?
Un plaisir immense ! Cette partition est intense, complexe et d’une dramaturgie incroyable. Tout y est ! La passion, l’humour, la terreur, le cynisme, la tendresse… Le rôle-titre est un personnage absolument affreux, assoiffé de conquête et immoral, et pourtant c’est un opéra que l’on aime, tant l’humanité des autres personnages nous touche et la musique est parfaite.
Qu’est-ce que la version de concert permet d’explorer ?
Le théâtre et le travail avec les metteurs en scène m’inspirent énormément mais dans cette œuvre, c’est l’orchestre qui joue toute la dramaturgie et assure le parcours narratif. La partition est si bien écrite que l’on suit l’intrigue et les émotions des personnages à travers les notes.
Comment en révéler la force ?
Par le détail de ses couleurs musicales. La partition joue sur deux axes ambivalents, un mélange de raffinement et de caractère plus animal. Je voudrais travailler cette élégance, cette part plus brute et instinctive.
C’est un plaisir supplémentaire que de retrouver Huw Montague Rendall, ici dans le rôle-titre. Qu’aimez-vous de sa voix ?
J’aime la noblesse de sa voix et sa flexibilité dans la recherche des couleurs. Huw Montague Rendall est un chanteur qui aime prendre des risques et j’adore ça car c’est dans ces conditions que l’on peut trouver la magie. L’Orchestre le connait très bien. Nous avons mené plusieurs concerts et enregistré un disque ensemble. Nous sommes heureux de l’accompagner dans cette prise de rôle.
Des grandes voix de la nouvelle génération l’entourent également…
Tout à fait. On entendra une distribution remarquable de jeunes étoiles montantes avec notamment trois sopranos à la carrière prometteuse. Chacun des solistes trouvera sa place car chaque numéro de Don Giovanni est un chef-d’œuvre en soi. Je ne pourrai en citer un en particulier tant ils sont tous exceptionnels.
Avec quelle sensation avez-vous envie que le public ressorte de ce concert ?
Avec la sensation que la musique se suffit à elle-même. Qu’elle est pleine, puissante et qu’elle peut dérouler une histoire à laquelle on peut complètement adhérer.
Propos recueillis par Vinciane Laumonier •
Bande-annonce de l’opéra Tancrède de Gioachino Rossini, donné du 12 au 16 mars 2024 au Théâtre des Arts.
Amour, guerre et trahison pimentent l’intrigue de cet opéra de Rossini, mis en scène par Pierre-Emmanuel Rousseau et présenté par Loïc Lachenal, directeur de l’Opéra de Rouen Normandie.