Six questions à Ben Glassberg, directeur musical de l’opéra Don Giovanni donné en version de concert.

Vous retrouvez, ici, votre répertoire fétiche. Que représente Don Giovanni de Mozart pour vous ?
Un plaisir immense ! Cette partition est intense, complexe et d’une dramaturgie incroyable. Tout y est ! La passion, l’humour, la terreur, le cynisme, la tendresse… Le rôle-titre est un personnage absolument affreux, assoiffé de conquête et immoral, et pourtant c’est un opéra que l’on aime, tant l’humanité des autres personnages nous touche et la musique est parfaite.

Qu’est-ce que la version de concert permet d’explorer ?
Le théâtre et le travail avec les metteurs en scène m’inspirent énormément mais dans cette œuvre, c’est l’orchestre qui joue toute la dramaturgie et assure le parcours narratif. La partition est si bien écrite que l’on suit l’intrigue et les émotions des personnages à travers les notes.

Comment en révéler la force ?
Par le détail de ses couleurs musicales. La partition joue sur deux axes ambivalents, un mélange de raffinement et de caractère plus animal. Je voudrais travailler cette élégance, cette part plus brute et instinctive.

C’est un plaisir supplémentaire que de retrouver Huw Montague Rendall, ici dans le rôle-titre. Qu’aimez-vous de sa voix ?
J’aime la noblesse de sa voix et sa flexibilité dans la recherche des couleurs. Huw Montague Rendall est un chanteur qui aime prendre des risques et j’adore ça car c’est dans ces conditions que l’on peut trouver la magie. L’Orchestre le connait très bien. Nous avons mené plusieurs concerts et enregistré un disque ensemble. Nous sommes heureux de l’accompagner dans cette prise de rôle.

Des grandes voix de la nouvelle génération l’entourent également…
Tout à fait. On entendra une distribution remarquable de jeunes étoiles montantes avec notamment trois sopranos à la carrière prometteuse. Chacun des solistes trouvera sa place car chaque numéro de Don Giovanni est un chef-d’œuvre en soi. Je ne pourrai en citer un en particulier tant ils sont tous exceptionnels.

Avec quelle sensation avez-vous envie que le public ressorte de ce concert ?
Avec la sensation que la musique se suffit à elle-même. Qu’elle est pleine, puissante et qu’elle peut dérouler une histoire à laquelle on peut complètement adhérer.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier •

Entretien avec Boris Giltburg, pianiste interprétant le Concerto pour piano n°20 de Mozart lors du concert Mendelssohn, Mozart.

Vous êtes un grand interprète de Beethoven et de Rachmaninov. En quoi Mozart vous parle-t-il ?
Je me sens surtout proche de ses œuvres vocales ; les opéras, le Requiem, la Messe en ut mineur. La beauté de sa musique est inhérente à sa compréhension profonde du caractère humain et des émotions qu’il sait parfaitement capturer dans les notes. Cela rend l’expérience d’écoute extrêmement puissante ! Jusqu’à présent, je ne l’ai pas joué autant que je l’aurais souhaité, c’est pourquoi chaque occasion d’approcher sa musique et son génie m’est précieuse et passionnante.

Peut-on dire de ce Concerto n°20 qu’il a une tonalité romantique ?
Son attrait émotionnel est immédiat.
Dès la première note, on ressent le trouble intérieur, la douleur mais aussi la poésie et le lyrisme, parfaitement équilibrés.
Et quelle abondance de thèmes chantants ! L’écriture pianistique est superbe, en grande partie virtuose, très physique, mais toujours au service de la musique et des émotions qui y sont imprégnées.

Comment le piano est-il entré dans votre vie ?
Ma mère, ma grand-mère et mon arrière-grand-mère sont et étaient pianistes et professeures de piano, nous avons toujours eu un piano à la maison. À cinq ans, j’étais convaincu que ce piano était là pour que j’en joue. J’ai demandé à ma mère de m’apprendre mais elle était contre cette idée car elle pensait que nous avions trop de pianistes dans la famille ! Comme j’étais têtu, elle a finalement cédé et m’a donné mes premières leçons.

Que ressentez-vous lorsque vous êtes au clavier ?
Je me sens très chanceux d’avoir ce lien si particulier avec le piano car je trouve que c’est l’instrument le plus polyvalent après l’orchestre. Il nous permet d’avoir accès à un répertoire presque infini. Être au piano, c’est pour moi un sentiment de sécurité et d’excitation. C’est l’un de mes endroits préférés au monde.

Vous construisez une relation forte avec le public en dehors des concerts,
à travers votre blog et vos vidéos. Pourquoi est-ce important pour vous ?
Partager la musique est l’une de mes plus grandes joies en tant que musicien. Tout ce que je fais perdrait une grande partie de sa valeur sans public. Se connecter avec un public en ligne n’est qu’une extension du partage de musique dans une salle de concert. Bien sûr, rien, jamais, n’égale l’expérience du live, mais si je peux, en plus de cela, partager autant de musique en ligne que possible ou écrire sur les œuvres que j’aime dans l’espoir de donner au public un aperçu du contexte de leur création, de leur structure et de leur univers, je trouve cela extrêmement enrichissant.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier •

Le ténor argentin Santiago Ballerini nous emmène au cœur des répétitions de Tancrède.

Les mises en scène piano (MSP) sont les premières répétitions que font les chanteurs sur scène. Ils découvrent le décor, les spécificités et dimensions de la scène sur laquelle ils répètent, rencontrent les autres artistes et peaufinent la mise en scène.

Ils sont accompagnés par un piano, qui leur donne le rythme et les notes.

Les chanteurs ont très peu de costumes ou d’accessoires, le but étant principalement l’apprentissage de la mise en scène.

Cinq questions à Pierre-Emmanuel Rousseau, metteur en scène, scénographe et costumier de l’opéra Tancrède.

Qu’avez-vous envie de partager avec cette mise en scène ?
Je voulais raconter les deux histoires parallèles qui se jouent dans cet opéra. Celle de Tancrède, chevalier exilé et blessé qui rentre à Syracuse dans un désir de vengeance, et celle d’Amenaïde qui n’a cessé de l’attendre, animée par un amour absolu. Lui, traumatisé par la guerre, est davantage amoureux de l’idée de l’amour que d’Amenaïde et passe complètement à côté d’elle, ne la défendant pas lorsqu’elle sera accusée de trahison alors qu’elle fera tout son possible pour lui prouver son innocence. C’est cet amour discordant et toutes les strates de guerre, de blessure et de revanche qui font son terreau que j’avais envie d’explorer.

Comment l’avez-vous traduit sur scène ?
Par une scénographie sombre où le noir domine, avec quelques incursions dorées, et l’idée d’un Moyen-Âge fantasmé. Je me suis inspiré des films Promenade avec l’amour et la mort de John Huston (1969), qui se déroule pendant la Guerre de Cent Ans, et du Septième Sceau (1957) d’Ingmar Bergman. L’obscurantisme, l’inquisition et le poids de l’église sont particulièrement prégnants à cette époque et je souhaitais rendre ainsi le message plus universel. Tancrède a tout d’un chevalier errant qui court vers sa mort. Il arrive masqué et entre sur scène pour mourir.

Les costumes sont-ils inspirés de ce Moyen-Âge ?
Oui, mais de manière très stylisée, avec des éléments noirs et Amenaïde en or. Nous avons également joué avec les éclairages pour créer des ambiances lumineuses de clairs-obscurs.

Qu’est-il important, pour vous, de faire ressortir de la musique de Rossini sur scène ?
Cet opéra est une commande. Il s’agit du premier opera seria de Rossini et il atteint déjà une acmé à la mort de Tancrède qui est, pour moi, la plus belle page de l’Histoire de l’opéra. Rossini écrit, de manière complètement inédite, une mort naturaliste. La musique se désagrège petit à petit et Tancrède meurt, musicalement, dans un souffle. Une véritable mort de cinéma, qui n’a d’ailleurs pas plu à l’époque, obligeant Rossini à écrire une autre version finale. Tous les rôles sont également exigeants. Le quatuor de chanteurs, pour les représentations rouennaises, est juste extraordinaire. Il révélera la force de ces partitions.

Comment vos choix s’articulent-ils ?
Ici, nous partons de la production que j’ai déjà mise en scène, étudions son squelette, vidéos à l’appui, et échangeons sur la manière de nous l’approprier avec les chanteurs.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier •

« Je connaissais peu l’œuvre et ai été subjugué par la force de sa musique. »

Pierre-Emmanuel Rousseau

Entretien avec Francesca Dego, violoniste et soliste du concert Beethoven, Farrenc.

En quoi ce Concerto de Beethoven est-il exceptionnel ?
Écrit en 1806, il constitue le summum du répertoire pour mon instrument. C’est le premier concerto du répertoire à atteindre une telle ampleur. À lui seul, le premier mouvement est aussi long que n’importe lequel des concertos complets de Mozart !
Il a été l’inspiration, ou du moins la référence, pour tous les compositeurs qui ont suivi et qui ont écrit pour violon, à commencer par Brahms.

Comment le ressentez-vous ?
C’est le premier grand concerto que j’ai entendu en concert lorsque j’étais enfant. J’ai commencé à l’apprendre à douze ans et l’ai joué pour la première fois à quatorze ! On peut lire des interviews de grands pédagogues et musiciens du passé qui disent qu’il ne faut pas toucher à cette œuvre avant d’avoir quarante ans et de la barbe ! C’était peut-être courageux ou imprudent de l’étudier si jeune, mais j’ai l’impression que les morceaux que vous apprenez enfant pour toujours sont gravés dans vos doigts. Cela m’a définitivement sauvée du respect craintif pour la musique qui peut être paralysant. Aujourd’hui, je me sens au bord des larmes à chaque fois que je le joue. Même dans un concerto aussi long (presque quarante-cinq minutes !), il n’y a pas une seule note superflue.

Peut-on dire qu’il s’agit d’une œuvre optimiste pour Beethoven ?
Beethoven a choisi les qualités positives et envolées du violon plutôt que ses aspects dramatiques. Dans le premier mouvement, on touche le sublime avec des chants angéliques où l’expérience humaine est élevée au rang de transcendance.
Le deuxième mouvement est le morceau de musique le plus sincère et tendre, et le dernier mouvement une explosion de joie de vie.

Comment intégrez-vous votre voix ?
Il faut sentir quand pousser et quand écouter et suivre les lignes orchestrales.
Je pense que l’aspect le plus important de cette pièce est qu’on ne peut pas compter sur la virtuosité comme moyen d’expression. Beethoven ne semble pas se soucier des éventuels problèmes instrumentaux du violon mais de la force de la pureté de son idée musicale. Le son doit être imprégné d’une patience sincère et d’une chaleur constante pour permettre à cette musique exquise de se déployer.

Qu’aimez-vous exprimer avec cet instrument ?
Le violon, c’est ma voix, ni plus ni moins. Honnêtement, je ne me souviens même pas de ma vie avant de jouer ! Je l’ai entre les mains depuis l’âge de quatre ans. C’est aussi très spécial de jouer sur des violons historiques anciens, chacun avec sa propre personnalité, que vous apprenez à libérer et mélanger à la vôtre. Je joue maintenant sur un violon Francesco Ruggeri et j’en suis totalement amoureuse. C’est l’un des derniers violons fabriqués par le célèbre facteur crémonais, daté de 1697. L’archet que j’utilise est un Dominique Peccatte fabriqué vers 1850, plein de caractère.
Ce sont deux compagnons parfaits qui participent à l’élaboration de chaque interprétation.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier •

Entretien avec Katia et Marielle Labèque, pianistes.

Après Les Enfants Terribles, Philip Glass crée pour vous une version pour piano de La Belle et la Bête et Orphée.
Quelles sont les richesses de ces œuvres ?

Marielle Labèque : Nous avons rencontré Philip à Los Angeles lors de la création de son concerto en 2015 et il nous a partagé l’envie de travailler ensemble sur cette adaptation de la trilogie. Cela a été un cadeau pour nous, à l’heure du confinement, de nous plonger dans cette création. La Belle et la Bête est organique et virtuose à certains moments. Orphée est plus intime et surprenant avec ce ragtime, par exemple, en ouverture.
Katia Labèque : Ce sont des histoires merveilleuses qui renferment une part de rêve. Une musique qui parle de la création, du pouvoir de l’imagination et de la dualité : la vie et la mort, le monde ordinaire et le monde de la transformation, Paul et Elisabeth, la Belle et la Bête, Orphée et la Princesse, Cocteau et Glass.

Peut-on dire que cette musique chamarrée s’écoute comme un roman ?
KL : Elle est liée aux personnages et aux histoires. Il est impossible de ne pas penser au texte lorsqu’on joue la musique de Glass liée à Cocteau.
ML : Et c’est l’énergie de nos pianos qui doit prendre en charge ces histoires et la voix des chanteurs. La musique se déploie d’une telle manière qu’on ne sait pas forcement vers quelle direction on va.
On a vraiment ressenti cette dimension évolutive lors de nos sessions de travail pour l’enregistrement du disque.

En quoi la musique de Glass tient-elle une place particulière dans votre cœur ?
ML : Sa musique dite répétitive est très variée dans ses phrasés, c’est ce qui en fait toute la beauté. Elle contient peu de notes mais est exigeante. Elle pose la question de la simplicité. Tout ce que Philip raconte dans son livre Paroles sans musique me va droit au cœur. Travailler avec lui, c’est se plonger dans un monde que nous ne jouions pas auparavant. Il a une approche très libre de sa musique et laisse l’interprète s’emparer de l’œuvre pour trouver ses propres tempi. Une ouverture précieuse.
KL : De grands interprètes jouent Glass à présent et c’est très beau de l’entendre de façons différentes. Marielle et moi le considérons comme le grand compositeur romantique de notre siècle.

Vous aimez travailler avec les compositeurs contemporains, pourquoi ?
KL : C’est important de garder toujours un contact avec la réalité musicale de notre époque. C’est une inspiration de travailler avec des compositeurs comme Glass mais aussi Dessner, Muhly, Golijov…

Qu’est-ce qui maintient en vous cette flamme et cette curiosité si vives après cinquante ans de carrière ?
ML : Se plonger dans une œuvre comme c’est le cas ici est une chance, une manière de se régénérer. La sensation d’être immergé dans une matière vivante. Il est rare qu’on passe autant de temps, et avec autant de minutie, dans une œuvre. Partager, ensuite, en concert, ce mythe qui parle à tous est un moment magique qui nous galvanise.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier •

Entretien avec Rinaldo Alessandrini, chef d’orchestre du concert Vivaldi, Telemann.

Vous qui avez tant voyagé, c’est votre première fois à Rouen. Comment envisagez-vous votre rencontre avec un nouvel orchestre ?
De manière générale, la rencontre avec un nouvel orchestre repose avant tout sur l’écoute. Il est très important d’entrevoir immédiatement les qualités de l’orchestre et de comprendre le type de travail à réaliser, afin de modifier ou d’adapter certains paramètres d’interprétation aux besoins du répertoire.

Que souhaitez-vous partager avec ce concert ?
Le programme est largement basé sur la musique de danse. Le message musical est donc celui d’une musique légère mais pas banale, fluide mais aussi pleine de détails, pas excessivement complexe mais non dénuée de sens. J’espère que le public percevra un aperçu des coutumes sociales de la première moitié du XVIIe siècle, en Allemagne et en Angleterre, où la danse à la française était un signe distinctif de convivialité et de position sociale.

Telemann a écrit de nombreuses Ouvertures. Pourquoi votre choix s’est-il arrêté sur celles-ci ?
Le programme a été choisi afin d’utiliser le plus grand nombre de possibilités orchestrales. Nous voulions aussi mettre en valeur l’utilisation variée des instruments à vent.

Quel est le motet de Vivaldi que vous allez diriger ?
Ce motet de Vivaldi fait partie d’une vaste production de motets extra liturgiques, destinés à des chanteurs spécifiques.
Dans ce cas, il s’agissait certainement d’une soprano particulièrement douée pour le chant, l’agilité et l’expression lyrique. Vivaldi a composé de nombreux motets, dont les voix de destination finale sont connues, sauf pour quelques cas qui n’étaient dédiés à aucune occasion du calendrier liturgique. Ils faisaient partie de l’appareil musical destiné à la messe ou aux vêpres qui, dans l’Italie du XVIIe siècle, constituaient avant tout l’occasion de représentations musicales, parfois en grandes dimensions.

Que provoque en vous ces pièces particulièrement brillantes ?
La musique sacrée italienne de la première moitié du XVIIe siècle n’a rien à voir avec le sens mystique, qui a été peut-être plus évident au siècle suivant. Généralement, le langage musical est calqué sur celui de l’opéra. De là vient la nécessité de s’impliquer dans un discours musical qui ne s’intéresse pas à la modération mais qui exige du spectaculaire, quel que soit le sentiment exprimé.

En quoi la voix de Bruno de Sá est-elle intéressante pour vous ?
Je n’ai jamais travaillé avec lui mais je connais ses caractéristiques de tessiture et d’agilité qui en font un chanteur particulièrement attrayant.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier •

Entretien avec Marina Chiche, chroniqueuse France Inter et Chloé Dufresne, cheffe d’orchestre, autour du concert Musiciennes de légende.

Ce concert est une déclinaison de votre livre, Marina. Quelles sont les femmes que vous mettez à l’honneur ?

MC : Nous avons choisi des œuvres qui témoignent d’une diversité d’histoires, d’origines et de répertoires, comme un kaléidoscope, pour un concert au format flexible qui permet de partager un récit sur les musiciennes.

Avez-vous une affinité particulière avec une œuvre ou une figure féminine de ce concert ?

MC : Louise Farrenc était une grande interprète et pédagogue, Ethel Smyth, une suffragette acharnée, à l’énergie subversive. Toutes sont des rôles modèles, des supports d’identification.

CD : C’est la première fois que je dirige Louise Farrenc que j’ai connue tardivement et qui a écrit trois symphonies magnifiques. J’ai une affinité pour D’un matin de printemps de Lili Boulanger, une œuvre fraîche, enlevée, qui m’accompagne souvent et qui se savoure comme un bonbon.

Au-delà de combler un manque, ce concert montre la richesse du répertoire féminin pour inviter à s’en emparer franchement…

MC : Ce matrimoine a toujours existé mais il est resté invisible. Il est ressuscité ponctuellement depuis des décennies mais ne s’inscrit pas de manière durable. La question est donc : qu’est-ce qu’on estime digne d’être étudié comme un canon du répertoire ? Comment continuer cet effort de diversité ?

CD : Cette invisibilité est d’ailleurs souvent venue après la mort des compositrices, dans le récit de l’Histoire musicale. De son vivant, Louise Farrenc a été soutenue par son mari, éditée et reconnue. Lili et Nadia Boulanger étaient réputées et Ethel Smyth côtoyait Brahms ou Tchaïkovski. Aujourd’hui, 60 % de femmes étudient la musique en conservatoire mais seulement 30 % de solistes femmes sont recrutées en tant que telles. Il faut que la scène musicale soit le reflet de notre société.

Ce dialogue avec ces femmes compositrices vous amène-t-il à porter un autre regard sur votre parcours ?

MC : Je me suis rendue compte que j’avais grandi sans m’interroger sur le fait que je n’interprétais pas d’œuvres de femmes. Chloé est la première cheffe avec qui j’ai joué et cela date d’il y a seulement quatre ans, à Rouen ! Musicienne blanche, je reconnais l’importance d’une éducation d’excellence ce qui ne veut pas dire que je suis un prototype qui valide une histoire unique. L’altérité est un axe essentiel et politique. Cette quête d’émancipation sert tout le monde.

CD : Participer au tremplin des jeunes cheffes de la Philharmonie de Paris en 2018 m’a fait prendre conscience que mon genre était un sujet. À Rouen, j’ai dirigé Ethel Smith et me suis plongée dans les mémoires de cette compositrice comme dans un miroir. Je me suis demandée quelle voie j’allais prendre. Celle de Marin Alsop, militante et active dans la sororité, ou celle de Susanna Malkki pour qui être musicienne est tout ce qui compte, au-delà du genre. Nous avons besoin des deux. Je suis pour ma part une « cheffe » engagée. Il faut partager cette autre version de l’Histoire.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier •

Entretien avec Lea Desandre et Thomas Dunford autour du concert Chasing Rainbows.

Julie Andrews est associée à des souvenirs d’enfance…

Lea Desandre : Petite, j’avais une passion pour les comédies musicales. Mes parents travaillant dans le cinéma, je passais mes dimanches à regarder des films et notamment La Mélodie du bonheur que j’ai dû voir une cinquantaine de fois ! La chanson d’ouverture The Sound of Music a chamboulé ma vie et m’a sans doute tournée vers l’horizon de la scène. Ce concert est un rêve un peu fou dans lequel Thomas s’est projeté avec enthousiasme.

Thomas Dunford : J’ai grandi avec Singing in the rain et Mary Poppins dont je partageais l’enchantement avec ma sœur. Nos collaborations avec Lea visent à voyager dans les époques, à gommer les frontières et à traverser la musique avec passion.
On s’est donc naturellement retrouvés sur ce projet.

C’est aussi une manière de transcender les générations ?

L. D. : Oui, nos grands-parents se sentent aussi touchés et concernés par Julie Andrews que nous, trentenaires. Elle renvoie à un imaginaire collectif fort et convoque un univers de l’enfance fait de poésie et de fantaisie. Elle est un peu comme la reine d’Angleterre, aussi merveilleuse que familière !

Qu’est-ce que Julie Andrews représente pour vous ?

T. D. : C’est une femme qui a eu plusieurs vies. Elle a été enfant prodige de Broadway, muse de Walt Disney, chanteuse, danseuse, actrice, icône de la communauté gay pendant les années sida et reconnue dans de nombreux milieux. Sa longévité et sa vitalité sont remarquables.

Sa voix aussi a de multiples facettes…

L. D. : Elle a en effet chanté depuis son enfance dans différents registres, jusqu’à ce qu’elle perde sa voix suite à une opération. Sa voix a aussi continué d’exister au-delà du chant dans les récits, les livres pour enfants ou encore la narration de films comme dans la série Chronique de Bridgerton où son élocution est reconnaissable par tous et toujours aussi moderne.

Comment avez-vous imaginé ce concert ?

T. D. : Nous avons choisi les chansons qui nous touchent personnellement et celles qui sont emblématiques du parcours de Julie Andrews en cherchant à montrer toutes les facettes de sa carrière. C’est à la fois un hommage et une invitation à replonger dans l’enfance.
L. D. : Les costumes, le récit et la mise en espace participent à cet esprit joyeux et festif que l’on souhaite insuffler. C’est un concert de divertissement comme un feu d’artifice d’émotions ou l’on sort les paillettes et où l’on rêve. Une fête entre amis, un soir à Broadway en France !

Propos recueillis par Vinciane Laumonier •

Six questions à Émeline Bayart, metteuse en scène d’Ô MON BEL INCONNU & rôle de Félicie.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous plonger dans cette opérette des Années folles ?

La rencontre avec Alexandre Dratwicki, directeur artistique du Palazzetto Bru Zane, a été déterminante. Il est venu voir D’Elle à Lui, récital antidépresseur qui rend heureux que je donne depuis quelques années au Kibélé, à Paris, et m’a proposé ce projet. Je suis immédiatement tombée sous le charme de cette opérette que je ne connaissais pas et que je trouve à la fois drôle et profonde. Et bien sûr, la musique de Reynaldo Hahn porte la pièce à merveille !

En quoi l’histoire vous séduit-elle ?

J’ai aimé ces trois destins de femmes, lasses de leur vie routinière, chacune pour des raisons différentes. La première, Antoinette, mariée à Prosper depuis vingt ans, s’ennuie avec son mari colérique et sans égard. Encore jeune, belle et pleine de lumière, elle rêve d’une vie moins austère et d’un amant qui lui fera voir la vie en rose. La deuxième, Marie-Anne, fille unique du couple Aubertin, attend le prince charmant qui lui fera quitter le nid familial et les sautes d’humeur de son père. Sa fraîcheur et son émerveillement face à la vie la rendent très touchante. La troisième, Félicie, la bonne au caractère bien trempé, aspire à une vie meilleure, prête à tout quitter si un homme sympathique et doté d’une belle bourse lui offrait cette opportunité.

Qu’est-ce qui a guidé votre mise en scène ?

Guitry a un vrai talent pour allier vaudeville et saynètes aux accents mélancoliques. Son écriture enlevée et poétique m’a beaucoup inspirée. Je souhaitais que l’on retrouve dans le même espace le magasin, le petit salon où les Aubertin reçoivent leurs invités et leurs appartements. Anne-Sophie Grac, scénographe et costumière, a imaginé une véritable boîte à jouer où les protagonistes évoluent comme dans un ballet avec portes qui claquent, grand escalier et scènes picturales. L’esthétique des années 30 permet aussi une élégance que l’on retrouve dans le décor, les costumes et les accessoires. Un régal pour les yeux !

Vous reprenez le rôle de Félicie, créé à l’époque par Arletty. Pensez-vous à elle ?

Je suis très touchée qu’Alexandre Dratwicki ait autant insisté pour que je joue également Félicie. Je m’amuse beaucoup sur scène ! C’est l’écriture du personnage qui me donne la clé du rôle, et pas la comédienne qui l’a créé, mais comme Guitry l’a écrit pour elle, j’ai souhaité conserver un peu de sa gouaille, comme pour la « citer » afin qu’elle reste dans l’œuvre tel un joyeux fantôme plein de bonnes ondes. Félicie est un personnage haut en couleurs, solaire et attachant.

Que provoque en vous la musique de Reynaldo Hahn ?

De la joie et de la mélancolie. Il y a des airs, celui d’Antoinette notamment, où l’on passe du sourire à l’émotion. Hahn s’est complètement adapté à l’écriture de Guitry,
la composition musicale a du sens, les airs
de groupe en témoignent particulièrement, et c’est pour le plus grand bonheur du spectateur.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier •

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Accessibilité

L’Opéra accessible
L’Opéra de Rouen Normandie met tout en œuvre pour encourager et faciliter la venue des personnes en situation de handicap. Une tarification adaptée, des dispositifs d’accompagnement spécifiques et des lieux accessibles permettent une découverte de la saison dans les meilleures conditions.

Gilets vibrants
Pour ressentir pleinement les vibrations d’un opéra, d’un concert ou d’un spectacle de danse, l’Opéra de Rouen Normandie met à disposition des gilets SUBPAC pour certains spectacles sur réservation. En savoir plus.

Séances en LSF
Il n’y a actuellement pas de spectacle programmé en Langue des Signes Française à ce jour.

Boucles magnétiques
Des boucles magnétiques individuelles sont disponibles sur simple demande et permettent une amplification sonore des spectacles pour les personnes bénéficiant d’une assistance auditive avec position T.

Réservation SMS
Les personnes présentant une déficience auditive peuvent réserver leurs places et leurs gilets vibrants par SMS au 07 81 15 36 09.

Surtitrage
Un surtitrage en français est proposé pour tous les opéras.

Audiodescription
Certaines représentations sont audiodécrites en partenariat avec Accès Culture. En amont de ces rendez-vous, nous proposons une visite tactile des décors et des costumes avec l’équipe artistique. Le jour du spectacle, le programme de salle est disponible en caractères agrandis et en braille. En savoir plus.

Loupes
Disponibles sur simple demande au vestiaire.

Des lieux adaptés
Le Théâtre des Arts (entrée rue du docteur Rambert) et la Chapelle Corneille sont équipés de rampes d’accès et d’ascenseurs. Des emplacements spécifiques sont réservés aux personnes à mobilité réduite et leurs accompagnateurs. Voir la carte d’accès.

Parcours de découverte
En lien avec la programmation, ils sont proposés aux personnes présentant une déficience intellectuelle.

Votre interlocutrice privilégiée pour organiser des parcours, vous informer sur la programmation, faciliter votre venue :
Angélina Prévost
07 81 15 36 09
angelinaprevost@operaderouen.fr

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