Entretien avec Julien Chauvin & Mourad Merzouki

Comment vous est venue l’idée d’associer la musique de Vivaldi à la danse hip-hop ?
Julien Chauvin : Après avoir enregistré Les Quatre Saisons avec Le Concert de la Loge pour célébrer le tricentenaire de sa composition, j’ai ressenti le désir de revisiter cette œuvre emblématique sous un angle nouveau. L’idée m’est alors venue de créer un format hybride, à mi-chemin entre la mise en scène et le concert, et de regrouper les célèbres Concertos avec des œuvres moins connues, telles que la Sinfonia de L’Olimpiade et la Sonate pour violoncelle en la mineur. La musique de Vivaldi étant intimement liée à la danse, il m’a semblé naturel de proposer ce projet à Mourad Merzouki, avec qui je collabore depuis une dizaine d’années.
Mourad Merzouki : J’ai participé à plusieurs projets autour de la musique baroque, notamment avec le Quatuor Debussy. J’apprécie particulièrement l’idée de fusionner deux mondes, deux cultures distinctes. Les musiciens du Concert de la Loge sont très ouverts à ce type de collaboration, et les échanges se font de manière fluide. Nous en ressortons tous enrichis, les uns des autres.


Vos habitudes ont-elles été bousculées ?

J. C. : C’est vrai que ce projet a apporté des changements dans nos habitudes, même dans les petits détails, comme jouer pieds nus. Mais il y a aussi des aspects plus déterminants qui transforment vraiment notre manière d’interpréter, notamment jouer par cœur. Nous avons l’habitude de jouer avec un pupitre, qui peut parfois créer une barrière entre le musicien et le danseur. En apprenant la musique par cœur et en jouant debout, cela instaure un rapport d’égalité avec le danseur, ce qui est très stimulant. Cela permet aussi une plus grande liberté et génère une énergie supplémentaire.
M. M. : Depuis le début, il existe un fort désir chez ces musiciens de sortir de leur zone de confort. J’ai particulièrement apprécié les voir laisser pleinement place au corps et à la chorégraphie. Les danseurs de hip-hop, habitués à un rythme binaire, ont dû s’adapter à un style musical différent. Mon défi consiste à offrir un spectacle vivant où danse et musique ne font plus qu’un. Cela permet d’élargir l’accès à la musique classique. Grâce à ce projet transversal, différents publics se rencontrent.

Que souhaitez-vous transmettre au public ?
J. C. : Il est indéniable que la musique de Vivaldi est vivante. C’est précisément ce que je souhaitais mettre en avant : transmettre cette musique comme un matériau vivant pour nous. Les thèmes des Quatre Saisons s’accrochent rapidement à notre mémoire. On se surprend souvent à les chantonner, même sans être un connaisseur.
M. M. : Nous n’avons pas cherché à adopter une approche littérale des sonnets qui accompagnent les Quatre Saisons ni à suivre une trame narrative. Notre travail s’apparente plutôt à des tableaux et à une exploration du corps. Nous souhaitons transmettre le plaisir que nous avons éprouvé à collaborer et à être ensemble.

Propos recueillis par Solène Souriau

Entretien avec Sidi Larbi Cherkaoui

Pourquoi avez-vous choisi de centrer votre travail autour du mouvement artistique Ukiyo-e ?
La crise sanitaire que nous avons vécue en 2019 a engendré une remise en question du vivre-ensemble de manière inédite et souvent brutale. Aujourd’hui, la crise environnementale est plus alarmante que jamais. Face à ces situations, je me suis interrogé : comment survivre, individuellement et collectivement, dans un monde où les crises globales s’intensifient ? Ukiyo-e a été ma première source d’inspiration pour explorer ces questions. Il s’agit d’un terme japonais signifiant « images du monde flottant ». Il a donné son nom à un mouvement artistique de l’époque Edo (1603-1868), centré sur la capture de l’instant présent. Aujourd’hui, d’une manière différente, j’ai le sentiment que nous sommes ramenés à notre éphémérité. Cette idée de « monde flottant » est pour moi une porte d’entrée, une invitation à méditer sur notre capacité de résilience.

Comment les différents univers sonores, picturaux, scénographiques et chorégraphiques dialoguent-ils entre eux ?

Dans ce spectacle, j’ai souhaité croiser les arts. Au cœur de la chorégraphie, le poème de Kae Tempest Hold your Own (traduit par « Tiens bon, prends soin de ») introduit une rupture temporelle marquant un « avant » et un « après ». En collaboration avec le scénographe américain Alexander Dodge, nous avons imaginé une scénographie inspirée de l’escalier impossible de M.C. Escher, cette structure infinie de montée et de descente. La performance est accompagnée des compositions contemporaines de Szymon Brzóska, enrichies de rythmes percussifs et électroniques signés Alexandre Dai Castaing. Ces sonorités sont ponctuées par les vibrations de la voix du compositeur et chanteur japonais Shogo Yoshii. Ces univers, réunis dans Ukiyo-e, résonnent avec ma recherche de réparation et de transcendance. J’ai également choisi de travailler avec le jeune créateur de mode japonais Yuima Nakazato, qui a conçu les costumes. Dans Ukiyo-e, les images entrent en résonance avec le monde contemporain, tissant des correspondances entre tradition et modernité.

Votre pièce semble témoigner d’un profond pessimisme mais trouve aussi une sorte de salut dans la méditation. Y a-t-il de l’espoir dans votre ballet ?
La tristesse, portée notamment par la musique, est omniprésente, mais les corps continuent à chercher le contact, à se développer et à procréer. Mes œuvres ont souvent une dimension rituelle, mais cette pièce va plus loin et devient véritablement cérémonielle. La scène finale est charnelle et physique. Les danseurs se dénudent de leurs costumes pour atteindre un état d’universalité.

Pourquoi avoir fait le choix de la musique live et de la création musicale ?
Le musicien en « live » est un véritable partenaire dans la narration. La musique ne se contente pas d’accompagner la danse : elle influence profondément le mouvement, créant une relation symbiotique. La musique jouée en direct permet un dialogue constant entre les danseurs et les musiciens, insufflant une nouvelle énergie à la chorégraphie.

Entretien avec Thierry Malandain, chorégraphe de L’Oiseau de feu.

Vous vous emparez de L’Oiseau de feu. Comment l’avez-vous travaillé ?

Je voulais rendre à l’Oiseau du conte originel sa spiritualité biblique de « passeur de lumière », à l’image de François d’Assise, un saint poète de la nature qui me fascine. Maurice Béjart avait fait de l’Oiseau un esprit de la révolution. Sur le même principe, j’en fais un esprit de la foi qui apporte consolation et espoir aux Hommes. Le premier ensemble, vêtu de noir, peut évoquer des gens d’église ou une simple communauté d’hommes parmi laquelle un individu est touché par le message de l’Oiseau. L’Oiseau meurt et son message reste vivant à travers les Franciscains, le ballet qui se met en mouvement.

C’est donc une pièce comme un chemin des ténèbres vers la lumière ?

Elle est, en effet, symbolique et parle d’espoir. Je l’ai écrite à la sortie de la pandémie, une période éprouvante qui appelait à une forme de libération. Les références religieuses font généralement peur mais c’est avant tout la question de l’humanité et de l’élévation dont je me suis saisie.

L’Oiseau de feu © Olivier Houeix

Une élévation collective, avec des mouvements de groupes très harmonieux…

C’est une pièce qui m’est venue très facilement, sans avoir eu besoin de réfléchir. Je crois que je la portais en moi depuis longtemps. Elle nous emmène entre ciel et terre, dans cette élévation qui caractérise à la fois l’humanité et la danse. Lorsqu’on danse, on quitte le sol pour s’élever en sautant. De même pour notre esprit. Des spécialistes de Stravinsky, qui était un homme très pieux, m’ont dit qu’il aurait adoré cette chorégraphie. Cela m’a beaucoup touché.

Qui est Martin Harriague ?

Martin m’a appelé quand il avait dix-neuf ans. Il suivait des études de droit et voulait devenir danseur. Il a pris des cours avec un de mes amis à Bayonne puis a intégré le Ballet Biarritz Junior et a volé de ses propres ailes, notamment au Kibbutz Dance Company en Israël. En 2016, il a remporté plusieurs prix au Concours Jeunes Chorégraphes. Il est artiste associé depuis trois ans. Nous avons imaginé ce programme mixte autour de Stravinsky en répondant à la commande de Didier Deschamps pour le Théâtre de Chaillot.

Comment ressentez-vous sa chorégraphie du Sacre ?

Sa danse est très énergique et ancrée dans le sol. Martin s’est appuyé sur les intentions de Nicolas Roerich, peintre et ami de Stravinsky qui a participé à l’écriture de l’argument du Sacre, et met en avant les personnages de deux ancêtres. La première fois que j’ai vu sa pièce, je ne l’ai pas comprise. Je la trouve, aujourd’hui, très ingénieuse et singulière. Elle invite à un regard neuf sur ce ballet.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier • 2023

Le saviez-vous ?
L’Oiseau de feu s’inspire d’un conte de fée du folklore russe qui raconte le combat du Bien et du Mal symbolisés par le géant Kachtcheï et le Tsarévitch Ivan. Ivan capture l’Oiseau de feu et le libère en échange d’une plume. Menacé, il appelle, grâce à la plume, l’Oiseau qui le sauve en faisant danser les démons jusqu’à l’épuisement, et lui montre l’œuf qui contient l’âme de Kachtcheï. Ivan le brise et libère les princesses captives, dont la Tsarevna qu’il épouse.

Entretien avec Angelin Preljocaj, chorégraphe des pièces Annonciation, Torpeur et Noces.

Vous ouvrez cette soirée par Annonciation. Quelle était votre intention pour ce duo féminin, devenu emblématique, entre Marie et l’ange Gabriel ?

Je voulais explorer ce que l’idée de religion a insufflé dans l’art, en quoi elle a été inspiratrice de créations fortes et d’œuvres nombreuses. Si la peinture s’est maintes fois posée sur l’Annonciation, la danse l’a quasiment évacuée. Le thème interroge pourtant le corps, son bouleversement, et parle aussi de rencontre et de naissance à venir. Par glissement, c’est aussi une réflexion sur l’art conceptuel que j’ai explorée.

La religion est-elle un sujet autour duquel vous aimez graviter ?

J’aime surtout revenir à l’idée que la racine religere signifie « relier », c’est-à-dire se nouer les uns aux autres.

Avec Torpeur, c’est une nouvelle création que vous nous offrez…

Je l’ai envisagée comme une articulation contrastée entre les deux pièces de répertoire. Si l’on aime le printemps, c’est aussi parce que l’on a traversé l’hiver. Le passage d’une saison nourrit le plaisir d’en aborder une autre et c’est la même chose avec un programme. Torpeur nous fait passer d’un état à un autre dans une forme de complémentarité et d’opposition. Elle s’éloigne de la douleur, invite à une forme de lâcher-prise, à un état de corps plus rond, et crée le désir d’une pièce comme Noces qui est touffue, énergique et sauvage.

Cet état de corps, l’éprouvez-vous vous-même au moment de la création ?

Dans ce cas, je n’étais pas dans un état de torpeur ! Mais lorsque je crée, je suis à fleur de peau et dans une auto-critique permanente par rapport à ce que j’essaie de montrer. C’est une hypersensibilité terrifiante qui peut être douloureuse et anxiogène mais qui n’exclut pas la jubilation.

Noces, que vous avez créé il y a plus de trente ans, garde toute sa férocité et son engagement physique. Elle résonne même de manière plus forte et directe aujourd’hui. Comment la ressentez-vous ?

Je vois bien, en effet, qu’elle trouve un écho plus aigu aujourd’hui où les questions de parité, d’équité et de violences faites aux femmes sont prégnantes. Elle a cependant, pour moi, toujours résonné de la même manière. Dès l’adolescence, je me suis inscrit en réaction à une culture patriarcale et à certains diktats familiaux oppressants. Noces était sans doute avant-gardiste sur le fond, mais c’est davantage sa forme et le jeu d’écriture avec la musique de Stravinsky qui avaient rencontré l’enthousiasme du public. Aujourd’hui, le plaisir de la forme et du fond convergent et j’en suis ravi.

photo des danseurs de Noces de Preljocaj
Représentation de Noces.
Crédit photo : Jean-Claude Carbonne

Cette réflexion sur la forme semble soutenir votre travail…

Alors que la forme est parfois méprisée – ne dit-on pas « c’est formel ! » –, on n’a pourtant rien trouvé de mieux qu’elle pour exprimer le fond. Un contenu a besoin d’un contenant pour être porté et pour ne pas tomber dans le vide. Comment peut-on lire sur le corps telle émotion, telle idée ou tel état ? Comment peut-on lui donner une forme ? C’est ce qui me fascine.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier • 2023

Anecdote
« La musique m’étourdit, s’empara de tous mes sens, m’ébranla par son rythme. Les Noces m’apparurent profondément dramatiques, entrecoupées de rares jaillissements de gaieté : elles se reflétaient en moi, me pénétrant d’un sentiment russe profond et authentique. »
Bronislava Nijinska, Mémoires.

Entretien avec Sidi Larbi Cherkaoui, chorégraphe de Faun et Noetic

Peut-on envisager ces deux pièces comme un diptyque ?

Oui, elles sont très contrastées et proposent un grand écart entre deux mondes. Faun est dans l’intimité et l’animalité, Noetic se déploie dans la globalité, l’interconnexion et un aspect plus intellectuel. L’un, comme un conte sensuel ou un poème, revêt une part de féerie tandis que l’autre peut se lire comme une formule mathématique. Les deux se rejoignent dans une forme mystique de l’ordre de l’alchimie entre les êtres.

Ces créations montrent deux approches des corps très différentes. Les interprètes de Faun ne font qu’un corps alors que les femmes en talons et les hommes en costumes de Noetic sont très distingués…

Je voulais, avec Faun, être au plus près de ce que l’être humain peut faire rejaillir en tant qu’être animal faisant partie de la nature. Homme et femme sont similaires, se portent et se soutiennent mutuellement. Noetic est axé sur une société qui impose des codes binaires. Mais si vous regardez bien, les choses s’inversent peu à peu, certains hommes s’approprient une robe, des femmes empruntent un costume. Ils se regardent en miroir et jouent avec le genre dans un élan collectif.

De quoi partez-vous pour créer une pièce ?

De ce que le monde autour de moi me dicte. Avec Noetic, je voulais explorer cette connaissance intérieure profonde du monde et exprimer la connectivité des choses, cette sensation que l’on est un filament d’un grand tout. Chaque danseur tient une perche avec laquelle il se relie aux autres en créant un cercle, un globe qui ne tient que par l’ensemble du groupe. Avec Faun, c’est la musique de Debussy qui m’a guidée. J’ai voulu travailler le corps dans ses transformations animales et végétales constantes, du scorpion à la liane en passant par le chat, le singe ou l’ondulation du serpent.

Il y a une forme d’hypnose, de captation très forte du regard du spectateur dans ces deux créations. Est-ce ce que vous recherchez ?

Complètement. J’aime travailler des chorégraphies où l’on est happé, absorbé et emporté par le mouvement sans qu’on en sorte. Comme si l’on était en attente d’une fin. Je veux garder le public engagé dans ce qui se passe sur scène.

Vous travaillez aussi bien avec Beyoncé que sur la comédie musicale Starmania ou avec de grandes figures de la danse contemporaine. Par quoi êtes-vous guidé ?

Par la recherche d’un développement personnel et l’envie de me mettre au service du talent des autres. Réaliser le clip de Beyoncé m’a permis d’ouvrir mes connaissances techniques et de mettre en valeur le travail extraordinaire d’une femme noire en Amérique. La production musicale d’Alanis Morissette et Diane Paulus à Broadway m’a reconnecté à mes émotions de jeunesse, comme Starmania, dont la chanson Ziggy avait intimement résonné en moi en tant qu’adolescent homosexuel et qui est une tragédie prophétique d’une force incroyable. Dès que je sens une connexion avec un projet, j’aime le porter.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier • 2023

Entretien avec Benjamin Millepied, chorégraphe de Roméo et Juliette

À quand remonte votre première rencontre de Roméo et Juliette ? Qu’est-ce qui vous a décidé à monter le ballet ?

 Je devais avoir treize ans lorsque j’ai assisté pour la première fois à une représentation de Roméo et Juliette par l’English National Ballet, non loin de Lyon. La compagnie était en tournée en France avec la chorégraphie de Kenneth MacMillan. L’adolescent que j’étais à l’époque avait été enivré par ce spectacle. Plus tard, j’ai développé une sorte de résistance à chorégraphier ce sujet extrêmement populaire, sans parler du ballet, qui était sans cesse présenté, et de sa musique très connue. En réécoutant la partition de Prokofiev il y a trois ans, je me suis rendu compte qu’elle avait un côté très cinématographique. J’ai donc décidé de tourner un court métrage concentré sur la scène du balcon en utilisant la musique de ce compositeur. Et je n’excluais pas la possibilité de faire un jour un long métrage. Cet exercice m’a donné l’envie de créer un ballet qui intègrerait la vidéo – que j’ai commencé à utiliser dans mes chorégraphies depuis 2004 – ou du moins qui utiliserait ce medium pour créer une expérience de cinéma en direct. L’idée étant d’exprimer la narration de manière plus réaliste, loin des conventions auxquelles nous sommes habitués avec le ballet classique.

Maintes fois adaptée, l’histoire des amants maudits relatée par Shakespeare est rangée dans l’inconscient collectif avec des mots-clés tels que : amour impossible, bal masqué, familles, honneur, vengeance, poison, balcon… Quel est le « twist » Millepied pour cette version ?

 Je suis intimement convaincu qu’on ne peut plus parler d’amour aujourd’hui en évoquant uniquement le sentiment qui unit un homme et une femme. Le spectacle doit transcender les genres et traiter de l’amour entre deux hommes, entre deux femmes ou entre un homme et une femme. C’est une évidence pour moi d’envisager toutes ces combinaisons. La distribution sera modifiée à chaque représentation pour refléter au mieux ce que nous voyons partout dans la société et que je constate au sein même de la compagnie. 

Crédit Photo : Josh Rose

 Concrètement, comment la vidéo occupe l’espace ?

 La première mouture de ce spectacle a été créée au Walt Disney Concert Hall à Los Angeles, conçu par l’architecte Frank Gehry. Les espaces extérieurs et la salle de spectacle constituaient un magnifique décor de cinéma. Il suffisait aux danseurs de quitter le plateau, lieu conventionnel où nous avons coutume de les voir, pour investir l’ensemble du théâtre et laisser l’action se dérouler un peu partout. La caméra les suit de près et filme une certaine intimité que le spectateur n’a pas l’habitude de voir. Installé dans son fauteuil, il assiste à des moments rares et même secrets auxquels la caméra lui donne accès. On oscille entre une expérience conventionnelle de théâtre et un rapport intime quasi inédit aux danseurs. La narration est forcément différente.

Propos recueillis par Oscar Héliani • 2023

 « Faire aujourd’hui un ballet avec une espèce de pantomime dans le style du xixe siècle ne fonctionne pas. Lorsque, par exemple, deux personnages se battent, le rendu sur un plateau peut paraître ridicule. Mais si l’on va dans les coulisses avec une caméra et que les danseurs sont entraînés à combattre comme on le fait au cinéma, alors la scène devient réaliste et par conséquent beaucoup plus touchante. Le film apporte de la modernité et de l’émotion. » 

 Benjamin Millepied, La Terrasse, 2021

Entretien avec Angelin Preljocaj, chorégraphe de Mythologies

Vous explorez des mythologies au pluriel avec un spectre large d’époques et de références. Comment les avez-vous choisies et que vouliez-vous traduire à travers elles ?

Je souhaitais un panel ouvert avec des mythologies identifiées, telles les Amazones ou le Minotaure, que l’on connait tous et qui ont des répercussions sur notre manière de façonner le monde, et d’autres plus modernes, comme le Catch de Roland Barthes. Les mythologies abordent des thèmes universels auxquels l’humanité est confrontée : la violence, le désir de puissance, la guerre… et je voulais voir si l’on avait évolué, si ces récits nous avaient nourris ou s’ils continuaient à nous impressionner. Les contes de fées aident les enfants à affronter le monde mais il me semble qu’avec les mythologies, les Hommes réécrivent inlassablement les mêmes histoires.

C’est donc une vision assez noire et fataliste de l’âme humaine…

C’est à la fois un désir de jouer avec ces mythologies, de s’en délecter et de prendre conscience, au fur et à mesure de la pièce, que tout n’est pas si clair dans notre imaginaire et nos attitudes.

Quels sont pour vous les liens qui unissent aussi intimement la danse et le mythe ?

La danse est une forme de rituel. Les mythologies sont toujours traduites par des visions de corps en mouvement et de postures. Je considère les danseurs comme des héros mythologiques. Ils sont, pour moi, des guerriers de l’émotion et de la grâce. Cette création est aussi un hommage aux interprètes.

Vous rassemblez des danseurs classiques de l’Opéra National de Bordeaux et ceux de votre compagnie. En quoi ces alliages vous stimulent-ils et qu’apportent-ils à cette création ?

Ils me décalent, me déroutent. C’est ce que le philosophe François Jullien appelle la « dé-coïncidence ». Il ne faut pas chercher à ce que les choses s’accordent ou se recoupent mais plutôt à observer l’écart entre elles pour évoluer et créer quelque chose de nouveau. Je vois ce groupe de danseurs comme un alliage d’énergies. Je puise dans la dynamique qui se crée entre eux pour créer, comme je le fais dans la musique.

Et pour Mythologies, c’est celle de Thomas Bangalter, ex-membre du duo électronique Daft Punk. Comment avez-vous travaillé avec lui ?

J’avais déjà utilisé des musiques de Daft Punk pour Gravité en 2018. Thomas avait envie d’explorer un nouvel univers musical. Pour soutenir ses inspirations, j’ai écrit un livret qui s’est transformé comme un palimpseste. J’ai repris la musique de Thomas, nous avons échangé et travaillé autour de cette matière musicale. Dans certaines maisons, comme à l’Opéra de Rouen, nous faisons jouer cette musique en direct par les orchestres et c’est une chance.

Propos recueillis par Vinciane Laumonier • juin 2022

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Accessibilité

L’Opéra accessible
L’Opéra de Rouen Normandie met tout en œuvre pour encourager et faciliter la venue des personnes en situation de handicap. Une tarification adaptée, des dispositifs d’accompagnement spécifiques et des lieux accessibles permettent une découverte de la saison dans les meilleures conditions.

Des lieux adaptés
Le Théâtre des Arts (entrée rue du docteur Rambert) et la Chapelle Corneille sont équipés de rampes d’accès et d’ascenseurs. Des emplacements spécifiques sont réservés aux personnes à mobilité réduite et leurs accompagnateurs. Voir la carte d’accès.

Des tarifs adaptés
Une tarification adaptée permet un meilleur accueil des personnes en situation de handicap. En savoir plus.

Audiodescription
Certaines représentations sont audiodécrites en partenariat avec Accès Culture. En amont de ces rendez-vous, nous proposons une visite tactile des décors et des costumes avec l’équipe artistique. Le jour du spectacle, le programme de salle est disponible en caractères agrandis et en braille. En savoir plus.

Loupes
Disponibles sur simple demande au vestiaire.

Gilets vibrants
Pour ressentir pleinement les vibrations d’un opéra, d’un concert ou d’un spectacle de danse, l’Opéra de Rouen Normandie met à disposition des gilets SUBPAC pour certains spectacles sur réservation. En savoir plus.

Boucles magnétiques
Des boucles magnétiques individuelles sont disponibles sur simple demande et permettent une amplification sonore des spectacles pour les personnes bénéficiant d’une assistance auditive avec position T.

Réservation SMS
Les personnes présentant une déficience auditive peuvent réserver leurs places et leurs gilets vibrants par SMS au 07 81 15 36 09.

Séances Relax
Ces représentations proposent un dispositif d’accueil inclusif et bienveillant, pour faciliter la venue au spectacle de personnes dont le handicap peut entraîner des comportements inhabituels ou imprévisibles. En savoir plus.

Surtitrage
Un surtitrage en français est proposé pour tous les opéras.

Parcours de découverte
En lien avec la programmation, ils sont proposés aux personnes présentant une déficience intellectuelle.

Séances en LSF
Certaines représentations sont traduites en Langue des Signes Française. En savoir plus.

Pour tout renseignement ou réservation, nous vous invitons à nous contacter :
Angélina Prévost – Chargée des actions culturelles
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